Principes
de la réparation valvulaire mitrale
(à coeur ouvert)
La chirurgie à cœur ouvert réunit un plateau technique et humain « hors-normes ».
L’équipe chirurgicale
- 1 vétérinaire principal réalisant la chirurgie cardiaque
- 1 vétérinaire assistant principal
- 3 instrumentistes stériles
- 1 anesthésiste
- 1 perfusionniste
- 1 vétérinaire réalisant la cardiologie per-opératoire
- 2 à 3 assistants non stériles
- 15 à 20 professionnels pour le suivi post-opératoire (soins intensifs, cardiologie, assistantes)
C’est l’entraînement, le professionnalisme et la cohésion de l’équipe qui font le succès d’une intervention.
Les machines et consommables
Outre la machine de circulation extracorporelle, pièce maîtresse, les équipements nécessaires sont :
- 1 machine de circulation extra-corporelle comprenant minimum 3 pompes comprenant tubing, oxygénateur, réservoir, hémofiltres, des lignes de prélèvement, un appareil de mesure continue des paramètres sanguins, un mélangeur de gaz, …
- 2 cuves anesthésiques (isoflurane ou sévoflurane)
- 2 réseaux d’oxygène médical
- 2 réseaux d’air médical
- 1 ventilateur
- 1 moniteur multiparamètres complet (ECG, FC, FR, pression artérielle invasive, pression veineuse centrale, pression artérielle non invasive, oxymétrie de pouls, capnographie, FiO2, fraction des gaz anesthésiques expirés, températures œsophagienne et rectale)
- 1 générateur thermique permettant de refroidir ou réchauffer le corps de l’animal à la demande et à une température précise
- 1 table de chirurgie inclinable dans tous les plans
- 1 échographe avec doppler couleur et une sonde transœsophagienne pédiatrique
- 4 pousse-seringues et 2 pompes à perfusion
- 1 appareil de mesure des temps de coagulation utilisable immédiatement
- 1 analyseur des gaz du sang instantanés et continus
- 1 analyseur hématobiochimique instantané et continus
- 1 analyseur des électrolytes instantané et continu
- 1 défibrillateur interne à palettes pédiatrique
- 1 pace-maker
- du sang frais de donneur compatible avec le chien opéré
- du plasma congelé
- des culots globulaires
- des tests de groupe sanguin
- des tests de crossmatch entre donneurs et receveurs
- une machine appelée cell-saver afin de réaliser des autotransfusions
- une solution cardioplégique (qui permet de stopper et de protéger le cœur)
- du sérum physiologique stérile congelé
- de la glace
- de très très nombreux consommables et médicaments injectables
- les équipements classiques : aspirateur chirurgical, bistouri électrique à réglage fin (thermofusion), instruments de microchirurgie et du matériel customisé (cathéters, tubulures…)
- ………….
La machine de circulation extracorporelle, machine maîtresse de l’intervention
Le plateau technique et humain est important, l’équipe doit être d’une cohésion parfaite mais la contrainte la plus importante est la mise au point de la circulation extracorporelle qui est un défi pour les races de petit format.
À Hopia, le plus petit chien opéré fut de 1.4 kg. Les techniques de circulation extracorporelle ont plutôt été tentées jusqu’alors sur quelques chiens de moyen ou grand format où les techniques traditionnelles utilisées en chirurgie pédiatrique peuvent éventuellement être reproduites chez le chien.
Chez les chiens de tout petit format, des difficultés sont rencontrées à cause du faible volume sanguin initial circulant. Il a été mis au point une procédure de circulation extracorporelle n’utilisant pas les techniques traditionnelles et permettant d’opérer des chiens nains et même des chats. L’utilisation de la circulation extracorporelle permet d’induire un arrêt cardiaque et donc de travailler librement à cœur ouvert pendant le temps nécessaire à la réparation chirurgicale.
La machine de circulation extracorporelle permet de prendre le relais du cœur et des poumons pendant la chirurgie.
Les différents composants de la machine sont :
- une ligne veineuse
- deux lignes d’aspiration, une pour la cavité thoracique, une pour l’intérieur du cœur une fois ouvert
- un réservoir
- un mélangeur de gaz appelé Sechrist
- un oxygénateur
- un système de contrôle de la température sanguine et corporelle (générateur thermique)
- deux pompes d’aspiration
- une ligne artérielle
- une ligne intermédiaire pour les prélèvements sanguins artériels
- une console et des écrans d’affichage délivrant tous les paramètres de contrôle nécessaires pendant l’intervention
- une cuve anesthésique (isoflurane ou sévoflurane) raccordée au circuit des gaz (mélangeur et oxygénateur)
Le système de tubing est adapté à la conformation du chien. Le circuit est préalablement rempli d’une solution d’amorçage.
La maîtrise de la circulation extracorporelle par le perfusionniste est cruciale pour la réussite de l’intervention. Il travaille également en étroite collaboration avec les autres membres de l’équipe (chirurgie anesthésie cardiologie). De part leurs compétences en circulation extracorporelle, les docteurs Sabine et Jean-Hugues Bozon sont eux-mêmes aux commandes générales de cette intervention.
Les différentes étapes de la chirurgie
Préalablement à l’induction de l’anesthésie générale, le maximum d’étapes est réalisé sur animal vigile :
- pose de 2 cathéters aux membres antérieurs (2 cathéters veineux)
- pose d’un cathéter veineux central
- pose de 2 cathéters aux membres postérieurs (1 cathéter artériel + 1 cathéter veineux)
- pose d’une sonde urinaire de Foley
- tonte de la région cervicale gauche, de toute la paroi thoracique gauche.
Le bloc opératoire est également préparé pendant cette phase, les chirurgiens se stérilisent déjà.
Puis plusieurs étapes se succèdent :
01. Prémédication.
02. Anesthésie générale et intubation (phase risquée).
03. Dissection de la veine jugulaire et de la carotide.
04. Ouverture chirurgicale de la cage thoracique, réclinaison des poumons, péricardectomie et accès au cœur.
05. Dissection de la base de l’aorte (phase risquée)
06. Administration d’héparine en bolus intraveineux afin d’induire un état de non-coagulabilité avec contrôle des paramètres de coagulation.
07. Pose des canules de circulation extracorporelle
08. Mise en place de la circulation extracorporelle
09. Échographie transœsophagienne : une sonde échographie transœsophagienne pédiatrique reliée à un échocardiographe équipé du doppler couleur est insérée délicatement afin d’obtenir successivement les coupes transversale et longitudinale médianes. Le mouvement des feuillets mitraux, les différents segments et la régurgitation sont examinés par le chirurgien.
10. Cathétérisme de l’aorte ascendante (pose de la canule de cardioplégie) : un cathéter est inséré délicatement sur la face latérale gauche de l’aorte ascendante.
11. Baisse de la température corporelle : la température corporelle est diminuée progressivement jusqu’à 28 degrés et maintenue grâce au générateur thermique intégré à la machine de circulation extracorporelle.
12. Injection de la solution cardioplégique (cardioplégie au sang) dans les coronaires via le cathéter aortique et induction de l’arrêt cardiaque.
13. Incision de l’atrium gauche et mise en place des aspirations
14. Pré-placement des cordages artificiels : le remplacement des cordages tendineux mitraux est la meilleure technique permettant de réparer les cordages rompus. Des doubles sutures de polytétrafluoroéthylene expansé (ePTFE ou GoreTex) sont placées entre les muscles papillaires (renforcées par des pledgets pour éviter un déchirement du muscle papillaire) et les feuillets mitraux. Au total et selon les cas, 4 à 6 cordages artificiels sont posés.
15. Annuloplastie mitrale : elle a pour but de resserrer l’anneau mitral afin de diminuer la régurgitation mitrale et donc de maintenir une bonne coaptation systolique. Le même matériau que pour les cordages est utilisé (ePTFE) sous forme de deux sutures renforcées par des pledgets au niveau de chaque commissure de l’anneau mitral. La force de serrage fait appel à l’habitude du chirurgien même si les mesures échographiques préopératoires aident à ajuster la taille de l’anneau prosthétique.
16. Serrage des cordages de remplacement : le principal défi ici est la difficulté qui réside dans l’ajustement des cordages, en longueur et en tension, afin d’obtenir la coaptation optimale lors de la fermeture de la valvule mitrale. Cette phase est fortement dépendante de l’expérience du chirurgien.
17. Suture de l’atrium gauche (phase risquée), évacuation de l’air intra-atrial sous contrôle échographique (transœsophagienne) et déclampage de l’aorte.
18. Réinduction des battements cardiaques (phase risquée) : dès l’arrêt de l’administration intracoronarienne de la solution cardioplégique, les battements cardiaques sont sensés reprendre spontanément ; un massage cardiaque direct est effectué systématiquement et si cela est nécessaire, un pacemaker temporaire est placé ou bien une défibrillation ventriculaire est entreprise.
19. Échographie transœsophagienne de contrôle : sont alors appréciés la coaptation des feuillets mitraux, la régurgitation mitrale résiduelle, la fonction systolique, le volume sanguin dans le ventricule et la persistance de bulles d’air.
20. Remontée en température progressive du corps de l’animal et diminution progressive du débit de la pompe artérielle.
21. Retrait des canules, retrait du cathéter aortique (phase risquée). Sevrage de la CEC (phase délicate).
22. Perfusion continue d’un antagoniste de l’héparine (phase risquée) qui peut provoquer une sévère hypotension, un bronchospasme et une augmentation de la résistance vasculaire pulmonaire. La ventilation et la pression artérielle doivent donc être a ce moment parfaitement contrôlées.
23. Fermeture du thorax plan par plan (le péricarde n’est pas suturé).
24. Pose d’un drain thoracique.
25. Réveil progressif sur 2-3 heures (phase risquée) : lors de cette phase, l’ensemble des paramètres vitaux (ECG, PA invasive, PV centrale, FC, FR, oxymétrie, capnographie, températures) et la ventilation sont étroitement contrôlés et leur retour à la normale obtenu très progressivement. Les paramètres de coagulation sont contrôlés et doivent revenir à la normale. Le chien est ensuite placé dans une cage de soins intensifs avec apport d’oxygène et régulation de la température ambiante ainsi que de l’hygrométrie (Cages ICU Menix Operation System).
Une fois la valvule mitrale réparée et les nouveaux cordages posés, le prolapsus mitral est amélioré, voire disparaît, la coaptation des feuillets est adéquate et la régurgitation mitrale a fortement diminué. On note une plasticité incroyable de l’atrium gauche qui retrouve une taille parfois normale en moins d’une semaine si la qualité du tissu le permet encore et si la chirurgie n’a pas été réalisée trop tard.
Pendant la semaine postopératoire en soins intensifs, le traitement pour l’insuffisance cardiaque est ajusté puis souvent arrêté. Plusieurs anti-aggrégants plaquettaires et anticoagulants sont prescrits en prévention d’une thrombose, complication la plus fréquemment observée après la chirurgie.
Le suivi postopératoire est un vrai défi ! Il est assuré conjointement par les équipes de soins intensifs et de cardiologie.
Il s’agit du moment critique pendant lequel le chien peut mourir car de nombreux organes ont souffert de la circulation extra-corporelle, à commencer par le sang lui-même, puisqu’il a circulé en dehors de son corps habituel. Un bilan complet clinique, sanguin, urinaire, radiologique, échographique est effectué chaque jour et ce, pendant une semaine après la chirurgie.
Outre la thrombose (formation d’un caillot), les complications pouvant être rencontrées sont nombreuses :
- arrêt cardiaque soudain
- détresse respiratoire
- saignements, hémorragies
- anémie (parfois hémolytique)
- pancréatite aigüe
- tachyarythmies
- paralysie diaphragmatique
- embolie gazeuse coronaire ou cérébrale
- infarctus mésentérique
- syndrome de réponse inflammatoire systémique
- insuffisance cardiaque droite aigüe
- hypertension artérielle pulmonaire aigüe
- processus infectieux localisé ou plus grave une endocardite
- accident vasculaire cérébral (hypoxie, hémorragie ou thrombose)
- …
Toutes ces complications potentielles sont recherchées pendant la semaine d’hospitalisation afin d’y pallier préventivement.
En savoir plus sur les plannings et les résultats attendus.
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